08 / 11 / 2025
12 Minutes De Lecture

L'usage de l'abréviation des services d'escortes en Europe : un vrai repoussoir pour les clients.

 

J'ignore si vous l'avez remarqué mais moi, cela m'a sauté immédiatement aux yeux. Au sein de l'Union Européenne, les plus gros sites d'escortes n'affichent plus explicitement les services proposés par les escort-girls qui y font de la publicité. Nous sommes en novembre 2025 et cet été encore, tout semblait normal. Désormais, l'abréviation a pris le monopole. Dans le meilleur des cas, ces annonces se sont transformées en vraies décodages de mots. Dans le pire des cas, la page dédiée à la description des services a complètement disparu. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi tant d’abréviations ? Quelles en sont les conséquences ? Est-ce que ce phénomène touchera la Suisse également ? Dans cet article, je partage mes observations et mon opinion sur la récente utilisation de l'abréviation dans l'industrie du sexe en Europe, dans le but d'apporter à celles et ceux qui se sentent concerné.e.s, un éclairage sur cette tendance.

 

Qu’est-ce qu’une abréviation ?

Afin que nous soyons sur la même longueur d’ondes tout au long de cet article, définissions dans un premier temps ce qu’est une abréviation. Une abréviation est une forme raccourcie d’un mot ou d’un groupe de mots, utilisée pour écrire plus rapidement ou gagner de la place tout en conservant le sens. Quand on fait le choix d’employer une abréviation, il faut donc s’assurer de son bon usage afin de rester compréhensible et de permettre à la personne qui la lit de facilement pouvoir déduire de quoi il s’agit. En effet, si votre abréviation n’est pas compréhensible à la personne qui la rencontre, alors vous ne parviendrez pas à lui faire passer votre message correctement.  

Parfois, dans certains secteurs (comme l’industrie pour adultes par exemple), il existe des terminologies qui appartiennent à un jargon spécifique. Lorsque ce jargon est bien maîtrisé par sa communauté, l’utilisation d’abréviations ne pose pas de problème. Dans le cas contraire, il vaut mieux éviter l’abréviation qui paradoxalement, au lieu de simplifier la communication, contribuera à la complexifier au point même de la rendre indésirable…

 

Pourquoi de plus en plus de sites en Europe utilisent l’abréviation ?

C’est la question mystère de cet article… Pourquoi tout à coup, on voit de plus en plus de sites d’escortes retirer complètement leurs pages de services, utiliser des abréviations au lieu d’écrire le service au complet, ou encore d’insérer un Astérix en plein milieu d’un mot (par exemple : massage de la pr*state) ? Que veulent dire ces jeux de mots soudain ? Pourquoi les plus gros sites en Allemagne, en France, en Espagne et en Europe de l’Est jouent le jeu ?

Car il faut bien l’avouer, devoir faire du décodage pour un client, c’est un effort supplémentaire (sans être sûr d’y parvenir) qui affecte négativement l’expérience client, en particulier quand il s’agit de sites qui plus est, sont en plusieurs langues. En effet, l’abréviation utilisée en allemand ne sera souvent pas la même en anglais ou en français. Pourquoi rendre les choses encore plus difficiles pour les clients et les escortes dans un marché du sexe en Europe qui n’a jamais été aussi compétitif ?

Rien n’a officiellement été communiqué sur ce changement mais l’utilisation systématique d’abréviations sur de plus en plus de sites d’escortes en Europe doit nous interpeller et nous faire réfléchir. Il ne m’a pas fallu aller bien loin pour trouver une partie des réponses que nous cherchons. En un clic, une directive Européenne m’a permis de rapidement comprendre dans quelle direction la prostitution en Europe se dirige. Elle concerne même les pays où cette profession est légale et régulée. Pourquoi ? Parce que pour l’Union Européenne, il n’existe pas de prostitution choisie. Parce que, pour l’Union Européenne, la prostitution, en attribuant une valeur monétaire à un acte intime, réduit la sexualité à une marchandise et implique qu’une personne — ainsi que son consentement — peut être achetée, ce qui constitue une atteinte grave à la dignité humaine, en particulier à celle des femmes.

Je vous invite à lire attentivement cette directive sur la prostitution (elle est disponible dans toutes les langues de l’EU), rédigée et adoptée par Bruxelles.  Soyez particulièrement attentifs aux articles C, F, L, W, AG et AJ : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0328_FR.html .

L’objectif est donc de réduire la demande, pour réduire le nombre de personnes exploitées. C’est pourquoi, comme le précise l’article 19 de cette directive, le parlement Européen : «  invite les États membres à prendre d’urgence des mesures pour lutter contre la publicité en ligne et la facilitation des contacts qui encouragent directement ou indirectement la prostitution ou cherchent à attirer les acheteurs afin d’empêcher l’exploitation de la prostitution d’autrui également en ligne, y compris la prostitution des étudiants, en particulier des jeunes femmes, et l’exploitation sexuelle de personnes mineures par des hommes plus riches et plus influents, également connus sous le nom de «sugar daddies» .

D’où de plus en plus d’abréviations de services ou de profils d’escortes sans services du tout…  

 

L’abréviation : les conséquences de son usage

Ce positionnement de l’Union Européenne (UE) va donc logiquement, avoir dans les prochaines années, des conséquences très prédictives auxquelles nous devons nous préparer. En effet, à moins que l’UE ne cesse d’exister, le paysage de la prostitution va énormément changer dans les prochaines années.

L’usage de l’abréviation des termes et des services va rendre les clients moins spontanés, plus méfiants mais aussi plus craintifs, en particulier dans les pays ou la législation est répressive à leur encontre. Puisqu’ils devront sans cesse demander à la fille ce qu’elle propose exactement (par SMS, WhatsApp ou au téléphone), ils s’exposeront davantage car dans ces juridictions, on ne sait jamais qui est réellement à l’autre bout du fil. Quant à ceux qui prendront le risque d’aller voir une fille sans savoir à l’avance ce qu’elle propose (car cela n’apparait nulle part sur son profil), ce sera un peu comme jouer à la roulette : ils ne sauront jamais ce qu’ils obtiendront pour l’argent qu’ils devront dépenser. Certaines filles profiteront bien entendu de la situation pour proposer le minimum de service au prix maximum… Cela va donc augmenter les expériences négatives que les hommes auront avec l’achat de services sexuels et graduellement faire baisser la demande ou, la rediriger vers des sites plus légitimes et/ou des profils ou justement, il n’y a aucune ambiguïté au sujet des services.  

Parce que trop de clients se seront fait avoir, le marché – déjà devenu très compétitif – va se corcer encore davantage pour les filles actives en tant qu’escortes. Si l’abréviation des services se généralise (et c’est ce qui semble se passer dans l’UE), elles vont faire face à une demande moins importante car le comportement du client moyen aura changé. Il sera devenu beaucoup plus prudent et privilégiera les escortes qu’il connait déjà, ou bien les studios érotiques (quand ceux-ci sont légaux dans son pays) qu’il a déjà fréquentés car il sait exactement le type de service qu’il va obtenir. Alors qu’il y a de plus en plus de filles qui décident de devenir escorte, cette directive européenne va contribuer à rendre l’accès à cette industrie de plus en plus difficile et de plus en plus compétitive. L’utilisation des abréviations pour décrire les services n’aura pas nécessairement un impact sur les tarifs des escortes (en forte baisse en Europe) mais cela va surtout créer beaucoup d’incertitude chez un grand nombre de clients et faire baisser le nombre de tentative de prises de contact de leur part. Car qu’il doive payer 150 EUR ou 300 EUR, un client d’escorte voudra toujours savoir exactement ce qu’il obtient comme service pour l’argent demandé.

Les filles qui choisiront les sites leur permettant encore de décrire leurs services, celles qui l’incluront dans leur description ou celles qui l’afficheront clairement sur leur propre site internet se démarqueront inévitablement de celles qui seront contraintes de n’afficher que des abréviations ou pire encore, qui n’auront même pas l’opportunité de lister leur services (car le site ne proposera pas cette option).     

 

L’abréviation des services d’escortes : bientôt en Suisse ?

Bien que pour le moment ce phénomène n’ait pas encore été constaté sur les sites d’escortes en Suisse, je ne pense pas que le pays soit complètement à l’abri d’un changement allant dans cette direction. En effet, en Suisse, la prostitution est légale et régulée. C’est aussi le cas en Allemagne et en Belgique et pourtant, les plus gros sites de ces pays ont déjà commencé à appliquer cette directive Européenne (sous l’autorité de leur gouvernement respectif car on se doute bien qu’ils n’ont probablement pas eu le choix).

Alors, oui, quand je vous dis « DFK ou CIM », vous comprenez certainement ces abréviations. Mais que comprendrez-vous si même l’écriture de ces termes devient interdite sur la majorité des sites ?  

Même si la Suisse ne fait pas partie de l’UE, il est fort de constater que l’on assiste depuis quelques années à un alignement de la Confédération Helvétique sur de nombreuses directives Européennes touchant directement ou indirectement les citoyens et citoyennes suisses…

 

L’usage de l’abréviation : Que faut-il retenir ?

Si la publicité en ligne des services érotiques disparait peu à peu, c'est une bonne nouvelle pour les journaux papier, me direz-vous ? Pas vraiment... alors qu'il y a 10 ans, de nombreux journaux acceptaient de la publicité d'annonces érotiques, ces derniers ont presque disparu aujourd'hui. En Suisse alémanique, on les compte à peine sur les doigts de la main... et les tarifs qu'ils appliquent à l'industrie du sexe sont exorbitants.

Ce qu’il faille certainement retenir de cet article, c’est que le paysage de l’achat de services sexuel se complexifie en Europe, aussi bien pour les clients que pour les escortes. Les travailleuses du sexe indépendantes devront désormais se professionnaliser (dans tous les aspects de leur métier) pour espérer « sortir du lot » et attirer une clientèle fidèle et généreuse. Quant aux clients, l’utilisation d’abréviations et la disparition des services sur certains sites ne fait que leur compliquer la tâche. Entre les filles utilisant des fausses photos ou encore des selfies retouchés, d’autres jouant au yoyo avec leur tarifs ou utilisant l’intelligence artificielle dans leur publicité, il devient de plus en plus difficile pour un client de se décider d’aller voir une escorte qu’il ne connait pas déjà…  

Conséquences ? On assistera certainement à une baisse générale des tarifs des escortes en EU, provoquée par une diminution de la demande qui s’expliquera aussi par à une baisse du pouvoir d’achat dans l’UE et à des restrictions budgétaires nationales qui se feront sérieusement sentir d’ici à 2028. Cela augmentera inévitablement la concurrence en Suisse et poussera encore plus de filles à venir vendre leurs charmes dans ce pays, qui bien que très riche, semble lui aussi voir son industrie de la prostitution s’essouffler peu à peu…

 

Janet – The Velvet Rooms

 

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